Toponymie de La Chapelle Aubareil

Les noms de lieux de nos communes font partie de ce patrimoine immatériel qui reste souvent à mettre en valeur.

Leur étude, la toponymie, permet de mettre en évidence les différentes langues qui ont existé, qui se sont empilées et combinées, au cours des siècles et des millénaires, sur notre territoire où on n’a pas toujours parlé français, loin s’en faut.

 

Le français est la couche linguistique la plus récente. La langue française en tant que langue usuelle, quotidienne, de presque toute la population, n’a pas 80 ans. Jusqu’entre les deux guerres mondiales et même après la seconde, la langue usuelle de la quasi-totalité de la population de La Chapelle Aubareil n’était pas le français, même si les gens savaient le parler et l’écrire.  C’était la langue d’oc (voir ci-après). Le français n’a donc pas eu le temps de laisser sa marque sur les noms de lieux du pays. Il est la langue des cartographes et des scribes de l’administration royale, puis de ceux de la république, il n’interviendra que dans la transcription récente de termes plus anciens, en les déformant bien souvent. Ainsi, on ne trouvera dans notre commune aucun toponyme d’origine française.

 

La langue largement parlée par l’immense majorité des gens, dans cette région, depuis plus de 1000 ans est la langue d’oc ou occitan. Les gens natifs du Périgord disent « le patois » mais il vaut mieux dire son nom exact. C’est cette langue qui a façonné la plupart des noms de lieux. Ces noms-là, si on les recherche dans un dictionnaire de langue française, même sous leur version francisée, on ne les trouvera pas. On les trouvera par contre dans un dictionnaire de langue occitane. C’est donc cette langue d’oc qui a créé ou adapté le plus grand nombre des noms de lieux de cette région.

 

Avant l’occitan, de 100 à 700 ans environ, les parlers gallo-romains puis romans représentent l’essentiel de la couche. Ailleurs en Périgord, par exemple, c’est de cette couche linguistique que proviennent tous les noms de villages à suffixe « ac », survivance d’un suffixe gaulois « acos » ou d’un suffixe latin « acum » qui signifie « domaine de ».

 

La langue gauloise (celtique), de - 800 à 400 environ, a profondément marqué la région elle aussi. Au hasard, les mots recueillis : combe, vergne, breuil, chemin, brande, brugue… et bien d’autres, sont d’origine gauloise. Valojoulx, vient du Gaulois « avallo » : la pomme, et du suffixe gaulois « ialo » : le lieu, la clairière. En Périgord, les toponymes d’origine gauloise sont très nombreux.

 

Enfin, les plus anciennes, les langues pré-indo-européennes ou pré-celtiques, peut-être celles des Cro-Magnon de Lascaux, langues de la préhistoire en tout cas, dont on ne trouve pas (encore ?) de trace écrite, sont présentes dans les domaines de l’oronymie (le relief) ou de l’hydrographie (les cours d’eau) sous forme de racines reconnues. Ainsi, nous pouvons noter :

Le Turançon : racine « tur » ou « tor » que l’on retrouve dans « le thouron » et qui désigne l’eau qui court. Le Caillou, Calhaud : racine « kal » qui désigne une hauteur pierreuse.

 

Cette étude a sans doute besoin d’être complétée car beaucoup de micro-toponymes se sont perdus au fil des ans, d’autres sont oubliés. Elle reste donc ouverte à toute proposition d’extension ou de complément.

 

Daniel Chavaroche,

ancien instituteur du village, maître caminaire d’occitan.

2017.

 

Note : les indications : « (prononcé…) » ne sont que des aides à la prononciation à base de phonétique française. En aucun cas il ne s’agit de l’orthographe du mot.

La syllabe soulignée est celle qui doit être accentuée à la prononciation.

Air l' : de l’occitan « erm » (prononcé èr) désignant un endroit désert, rocailleux, isolé. C’est la prononciation identique en oc et en français qui a conduit le cartographe à écrire « l’air » qui n’a pas de sens.

 

Almède l' : de l’occitan « òlme » désignant l'orme ou ormeau. « L’olmèda » (prononcé loldo) : endroit planté d'ormes. A noter que les ormes ont presque tous disparu, touchés par une maladie, mais ils faisaient autrefois partie de la couverture végétale du Périgord.

 

Aubareil : Oc « albar » ou « aubar » : le saule blanc. « Albarelh » (prononcé olborèl)ou « aubarelh » (prononcé o-ouborèou): endroit planté de saules blancs. La différence d’écriture s’explique par l’usage des deux dialectes languedocien et limousin sur ce territoire.

Le premier nom de notre commune apparu au XVème siècle est « Albarelhs sus la landa », c'est-à-dire une lande à végétation rase et vraisemblablement de milieu humide (argile) pour que les saules blancs y  poussent de manière remarquable. A noter que nous trouverons ainsi de nombreux points d’eau (mares, étangs, marais, sources) sur le plateau (voir plus loin).

 

Auxerre : Oc « serra » (prononcé ro) désigne une colline de forme allongée. Le nom a été interprété et déformé par le cartographe. Il a dû être entendu La Serra (prononcé losro) et compris « auxerre ». Les noms de lieux « la serre » sont nombreux en Périgord. A noter que la fontaine du lieu, versant La Sagne s’appelle Fontaine de La Serre.

 

Brandes les (les Granges) : Oc « branda » (prononcé brando) mot d’origine gauloise  : grande bruyère à balais. Il n’y en a peut-être plus sur place, mais c’est cette plante qui a donné son nom au lieu.

 

Bareil le (retrouvé « l’aubareil ») : Oc « aubarelh » (prononcé o-ouborèl) ou « albarelh » (prononcé olborèl)  même origine (voir « aubareil »).

 

Barradis le : du verbe occitan « barrar » : fermer. Lo barradís (prononcé louborodi) désigne un endroit clos (pâture, culture ou bâtiment).

 

Beune Basse la :  retrouvé écrit « béoune » : Oc « beuna » (prononcé -ouno) ruisseau, marécage. C’est probablement le nom du ruisseau qui a dérivé sur les noms de lieux Beune Basse et Beune Haute.

 

Beune Haute la : idem

 

Bessède la : Oc « beç » : le bouleau. « La beceda » (prononcé bécédo) désigne un endroit planté de bouleaux. On trouvera aussi « la beçada » traduit en français la béchade, de même origine.

 

Blanc le : Oc « al blanc » : endroit désigné ainsi pour la couleur du sol ?

 

Bois de l'Air : « Al bòsc de l’erm » : bois du lieu-dit « l’erm » transcrit « l’air » (voir plus haut).

 

Bois du Mas le : Occitan "mas": maison, ferme. Le bois de la ferme.

 

Boissière la : Occitan "bois" (prononcé bouy): le buis. « La boissièra » (prononcé lobouyssièro) : endroit planté de buis.

 

Boissonnie la : Lieu-dit venant d’un nom de personne : « Boisson ». Le suffixe occitan «  » transcrit « ie » en français, indique la propriété, domaine de Boisson (prononcé Bouyssou).

 

Brandières les : Oc « branda » : la grande bruyère ou bruyère à balais. (voir plus haut).

Breuil le : Occitan : « bruèlh » (prononcé brèl) venant du gaulois « brogilo », désignant un bois clos, souvent perché. Nom de lieu très répandu en Périgord.

 

Brugues les : Occitan « bruga » (prononcé brugo) ou « bruja » (prononcé bruzo) selon le dialecte languedocien ou limousin, venant du gaulois «  bruc » : la bruyère.

 

Castanet le : Mot occitan « castanh » désignant le châtaignier. « Lo castanet » (prononcé louko’to) : petit bois de châtaigniers.

 

Charbonnière la : « La carbonièra » (prononcé lokorbounièro): endroit où on fabriquait le charbon de bois nécessaire aux fonderies locales. On en trouvera en divers points de la commune. Activité semi-agricole des siècles passés, remise en utilité pendant la guerre de 39 avec l’utilisation des véhicules à gazogène. Le gaz de charbon remplaçait l’essence qui manquait.

 

Chemin de Lestrade : Oc : « Lo camin de l’estrada »  (prononcé loukomi dé l’è’trado): chemin de crêtes, souvent ancien chemin antique ou gallo-romain et servant de grande voie entre deux cités importantes. Celui-ci : d’Augustoritum (Limoges) à Divona (Cahors). En occitan, « l’estrada » est une grande route.

 

Chemin Martellet : (sur le Pausadou) Chemin lié à un nom de personne ? A Martel ?

 

Chique la : Occitan « chic » désignant quelque chose de petit. La Chica (prononcé lotsiko) : Probablement un petit champ.

 

Clauzelou le : (la rouchie) Occitan « claus » : terre close. Lo Clauselon (prononcé louklo-ouzélou), diminutif "on": petit clos. Souvent une vigne.

 

Clouvillou le : Idem ci-dessus du verbe occitan "claure": fermer. Lo clauvilhon (prononcé louklo-ouviliou)iminutif désignant un petit clos, jardin fermé.

 

Combal le : Du gaulois puis de l’occitan « comba » : combe ou vallée sèche.

 

Combe du Jarry la : Voir « comba » ci-dessus. Occitan "jarriç" (prononcé zori)ou « garriç » (prononcé gori) selon le dialecte limousin ou languedocien: le chêne. La combe du chêne.

 

Communaux les : « Los comunaus » (prononcé loukomuna-ou) : pâture commune, pâture libre.

 

Côtes Longues (Auxerre) : Occitan «còsta » : flanc de coteau.

 

Croix du Nègre la : Occitan « la crotz d’al negre » (locroudolgré le croisement dans le noir, dans le sombre. Les plus anciens d’entre nous se souviennent de l’endroit entouré de hauts bois qui ombrageaient le lieu. La « crotz » (la croix) désigne un carrefour.

 

Croupoulou au : Peut-être de l’occitan « al gropol »: endroit exposé à la pluie, aux averses, aux intempéries.

 

Fage la : Occitan "fau": le hêtre."La faja" (prononcé lofatso): endroit planté de hêtres. Les hêtres ont quasi disparu de notre région, remplacés par le charme semblable. A noter que dans d’autres parties du Périgord, en zone de parler occitan limousin on trouvera « la faya » écrit en français la faye, de même origine.

 

Fageolle la : Oc : « fau », (voir "faja"). Diminutif « òla »: petit bois de hêtres ou bois de jeunes hêtres. On trouvera aussi « fayolle » de même origine.

 

Ferranterie la :          Oc « fer », le fer. « La ferrantariá » (prononcé loférantorio) : Endroit où on travaillait le fer, où on stockait le minerai ou simplement forge. A noter que le lieu se situe tout près du grand chemin de l’estrade, cité plus haut.

 

Fontaine d'Aurival (maillol-le blanc), Fontaine de la Boissière, Fontaine de la Chapelle, Fontaine de l'Air, Fontaine de Lajas, Fontaine de Lapeyre, Fontaine de Molière : En occitan on écrit « la font » prononcé lofoun.

           

Forêt la : Occitan « fòra » ou « de fòra » : dehors. Désigne un lieu en dehors d'un domaine, isolé, lointain. « La forest » (prononcé lofou)désignant un grand bois existe aussi en occitan, bien qu’on dise plus souvent « los bòscs » ou bien « peus bòscs ».

 

Galinie la : Mot occitan venant d’un nom de personne : « Galin ». Suffixe «  », en français « ie » signifiant domaine de. La Galiniá (prononcé logolinio) domaine de Galin.

 

Genèbre la : Occitan «la ginèbre » (prononcé lotsibro) endroit planté de genévriers.

 

Gouilles les : Occitan "gaulhar" (prononcé go-oulia): marcher dans la boue. « Una gaulha » ou « un gaulhàs » : endroit fangeux ou l'eau stagne, étang.

Le transcripteur en français a eu du mal à noter la diphtongue occitane et s’est contenté d’une approximation.

 

Grands Bois les : « Los grands bòscs » (prononcé lugranbo) le mot « bòsc » désigne souvent un bois de châtaigniers.

                       

Granges les : Oc : « granja » (prononcé grantso): Granges. Combien de granges en pierre, au milieu des terres agricoles, ont été détruites pour sacrifier à l’agriculture moderne du gros tracteur ! Ces bâtiments servaient au stockage des récoltes et du matériel.

 

Grèze la : Occitan « gresa » (prononcé gréso) terre gréseuse, caillouteuse.

 

Jariges les : de l’occitan "jarriç" (en limousin) ou « garriç » (en languedocien): le chêne. Endroit planté de chênes. Equivalent de garrigue en languedocien.

 

Lafon Beuradon : (fontpeyrine) Occitan « la font beuradona" (prononcé lofoun béourodouna): « font » : fontaine. « beuradona » : du verbe occitan « beure » boire. La fontaine où on boit ou bien qui se boit, s'infiltre dans le sol.

 

Lajas : du verbe occitan "s’ajaçar" se coucher. « L’ajaç » (prononcé lotsa) :  étable ou bergerie .

 

Landes les : Du gaulois puis de l’occitan "landa" (prononcé lando): lande, friche, terre à végétation rase. On trouve dans la première appellation de la commune au XVème siècle « albarelhs sus la landa » : bois de saules blancs sur la lande qui semble être une végétation remarquable à l’époque. Depuis, bien sûr, beaucoup de ces landes ont été défrichées.

 

Lapeyre : Occitan "la peira" (prononcé lopèyro): la pierre. Endroit pierreux, rocheux.

 

Lavignasse : Occitan « vinha » : vigne. « Vinhassa » (prononcé lovignasso) : ancienne vigne.

 

Lescurou : Oc « escura » : écurie, étable, grange ou endroit défriché. « L’escuron » (prononcé lè-kurou) : diminutif: petite grange .

 

Linard : Oc : « lin », lin.       Endroit où on cultivait le lin.

 

Maillol : Oc : « malhòl » (prononcé moliol) : jeune vigne.

 

Mazaux les : De l’occitan « mas » : maison, ferme. Désigne aussi un hameau. « Los masòts » (prononcé lumozo) les petites maisons.

 

Molière : de l’oc « molhar », mouiller : « Molhèra » (prononcé moulièro), terre humide où l’eau reste facilement en surface.

 

Moulin Nauchadou : Moulin de Nauchadou (nom de personne).

 

Peventou : de l’oc : « puèch, puèg » : colline. Adjectif occitan « ventós » : exposé aux vents ou à un vent, un courant d’air particulier. « Lo puèch ventós » (prononcé loupévintou).

           

Pont de Beune : Oc « pont de beuna » pont sur le ruisseau de la Beune. 

 

Posadou : Première origine possible : « lo pojadon » (prononcé poutsodou) : la montée, la côte.

Deuxième origine possible : « lo pausador » (prononcé po-ouzodou) , l’endroit où on se repose après la montée. Dans les deux cas le nom fait référence à une hauteur.

 

Roc Chabournat le : Oc « ròc » : rocher, petite falaise. "Chabornat" (prononcé sobourna): creux, percé, incurvé, grotte. On trouve beaucoup de lieux appelés : « la ròca (la roque), la roqueta (la roquette ), la rochela (la rochelle) » en Périgord.

 

Rossignols les : Occitan "ros": roux. "una rossinhòla" (prononcé roussiniolo) qualifie une terre rouge, rousse, ocre ou jaunâtre.

 

Rouchie la : Prononcé à l’origine « la roussie », c’est le léger chuintement de la langue d’oc qui  fait prononcer «la  rouchie ». On disait « la rossiá » (prononcé loroussio) avec le suffixe « iá » qui marque un nom de personne: domaine de monsieur Roux.

 

Sagne la : Occitan "sanha" (prononcé sagno): endroit humide, marécage, sol spongieux où l'eau reste. Dans le cas présent c’est la partie basse du lieu qui a donné le nom au hameau.

           

Selve la : Occitan "selva" (prononcé sèlvo): forêt.

           

Seyssignaguet : Probablement nom de personne « chas Sinhaguet » : chez Signaguet (prononcé tsachignogué).

 

Soubeyrol le : Occitan "subre": au-dessus. Partie haute, endroit dominant un autre (prononcé lousoubeyrol).

 

Sudrie la (sous l'Air) : Oc « sudre » : cordonnier. La sudriá (prononcé losudrio) domaine de Sudre, Maison du cordonnier ou maison de M Sudrie.

 

Tandineries les : peut-être de l'occitan "tondre": « la tondinariá » (prononcé lotoundinorio) atelier de tonte des moutons, chez le tondeur.

 

Terme Rouge le :      Oc « lo terme » (prononcé tèr), la hauteur, la butte, la colline. « Roge » (prononcé routsé), rouge, dû à la couleur de la terre.    

 

Valade la : Occitan "val": vallée ou pente de coteau.  « La valada » prononcé lovolado), la vallée.

 

Valat le : Occitan "val": vallée. "Lo valat" (prononcé louvola): fossé, ravin, petite vallée.

 

Valette : Occitan "val": vallée. Diminutif: petite vallée, vallon. « Valeta » (prononcé voto)

 

 

Vignarelle la : Occitan "vinha": vigne. Diminutif: « la vinharèla » (prononcé lovignolo), petite vigne.